samedi 17 novembre 2012

Et si on vivait toujours en hiver...

Et si...

On vivait toujours en hiver...

Les semaines se passeraient sous des bonnets, de longues écharpes au cou. On ôterait en rentrant après de longues journées, des gants de nos mains tièdes.

De temps en temps, on aurait en tête des images de terrasses au soleil, de pieds nus, de jambes dorées.

Après le dessert resterait sur nos doigts le parfum des clémentines.


Le jour sentirait sûrement le bois lentement doucement brûlé.


On se surprendrait à imaginer au creux des vases des bouquets de seringa. 

Les matins auraient le silence du brouillard et on garderait toute l'année l'habitude de penser très tôt à la nuit. 

On se promènerait sur les plages immenses et presque pour soi et on oublierait d'avoir à rechercher l'ombre.

Ouvrir la porte d'une maison se ferait toujours dans le délice d'en retrouver la chaleur.

Saurions-nous renoncer aux cerises?

On ouvrirait les volets sur la nuit, très tôt le matin, avec des espoirs de flocons.

Sur les étagères, on échangerait les sandales pour de belles paires de bottes. Des noires, des camel, des grises,des bleues,des rouges. 

Nous reviendraient sûrement parfois en tête et en souriant les chansons des bals de juillet.

Dans les placards, des gilets moelleux, des manteaux assortis à chaque paire de bottes.Des noirs, des camels, des gris, des rouges.

On essaierait parfois, le temps d'un instant, de retrouver des parfums de sable chaud, d'herbe fraîchement coupée.

Dans les cuisines des odeurs de pomme et de canelle.

On garderait tout de même et précieusement une ou deux robes légères pour les soirs de fête.

Nous rechercherions sur les mappemondes, du bout du doigt, le nom de pays où il fait toujours beau.

Il y aurait de beaux jours sous des soleils bleu clair et blancs et de longues pluies gris ardoise coulant sur les fenêtres closes.


Le soir, pour lire,  on se glisserait sous les lampes, dans le profond des canapés.

Il nous viendrait peut-être l'envie de repeindre les meubles en couleur, d'écrire nos lettres à l'encre bleu des mers du sud.

Pourrait-on oublier la sensation des cheveux collés sur la nuque et le front des enfants par les lourdes chaleurs d'Août? 

On embrasserait, le soir après l'école, leurs petites joues fraîches, tendrement rougies.

Peut-être auraient-ils l'idée de mettre dans l'eau chaude des piscine des myriades de poisson exotiques et multicolores. Sûr leurs dessins des palmiers, des fleurs aux larges pétales.


Et si on vivait toujours en hiver, penserions-nous à l'été comme à un paradis perdu?




  









vendredi 9 novembre 2012

Et si on pouvait rayer Octobre du calendrier?

*En octobre on s'est dérobé.

*En octobre on en a beaucoup pleuré.

*En octobre on a essayé de réparer.

*En octobre oui, on a essayé.

*En octobre malgré tout, les feux de cheminée.

*En octobre, un déménagement.

*En octobre, encore une page à tourner.

*En octobre on aurait voulu rayer cet octobre du calendrier....

mercredi 31 octobre 2012

Et si on pouvait redoubler comme Camille?





       Camille a la quarantaine passée.
       Le bilan est plutôt douloureux.
       Un mariage qui prend l'eau, une vie professionnelle décevante, un peu trop d'alcool.
       Camille avance comme elle peut, avec ses cicatrices et ses espoirs.
       Elle se cogne à sa vie, à ses regrets, des rêves déçus, perdus en route, abîmés.
       Camille lutte.

      Et voilà que tout repart en arrière, que ses seize ans se rassemblent au creux de sa main, qu'elle peut refaire le parcours.

     Sa mère vivante, ses amies, son amour, les années 80, les cours du lycée, son chat, et le reste Camille peut à nouveau les respirer, les toucher, les écouter avec le recul de ses quarante ans passés, avec le poids du chagrin, le petit pas d'avance de celle qui sait ce qui vient après.

   Et elle ne se prive pas Camille. Elle essaie de réparer, désepérément. elle danse dans des fêtes, elle veut mettre à profit les leçons douloureusement apprises, elle se moque bien, elle jubile. Elle a grandi.

 Et nous, on jubile avec elle. On rêve de redoubler aussi, éperdument. On redouble par procuration.

 mais peut-on changer le cours de sa vie?

Noémie Lvosky écrit des contes pour les adultes qui ne veulent pas oublier, qui ne cherchent pas à tout prix à tourner les pages. Elle remonte le temps avec délicatesse mais sans mièvrerie et en évitant habilement les clichés.
Et on y croit.
Jolie prouesse.
Tous ses acteurs doivent y croire aussi car ils sont impeccables. Leur lien à Camille devient le notre. On devient Camille.
Mention spéciale à Jean-Pierre Léaud en horloger plein de sagesse.
     

En sortant de la salle de cinéma on aura la gorge serrée, longtemps. Dans la voiture on se sentira déchirée entre notre adolescence perdue et celle toute neuve de notre fille qui a été touchée aussi en plein coeur par ce film alors que pour elle tout est encore à écrire.

Dans la soirée qui suivra, on téléphonera à nos parents, comme souvent , comme presque chaque jour mais avec cette petite note particulière, la chance savourée de pouvoir encore le faire.

Merci Noémie...

     

dimanche 21 octobre 2012

Et si on lisait Marilyn?



                        


"seuls quelques fragments de nous
toucheront un jour des fragments d'autrui
la vérité de quelqu'un n'est en réalité que ça"


Des mots, des carnets, des phrases, des idées jetées au vent, des poèmes, des bribes de poèmes, le fond d'une pensée, des doutes le plus souvent, des remerciements, des appels, des listes de courses et même une recette de cuisine. 


C'est Marilyn quand elle redevient Norma Jeane. C'est ce qui se passe quand elle referme la porte du 5th Helena drive, d'une chambre d'hôtel du Warldorf Astoria, de sa loge sur le tournage des Misfits. C'est Marilyn qui aimait les livres, qui prenait des cours du soir à l'université. Marilyn qui dînait avec Carson Mac Cullers et karen Blixen. C'est Marilyn à l'opposé de ce que les studios voulaient bien montrer d'elle.

C'est ce que l'on verrait si les miroirs renvoyaient l'image de nos âmes un peu perdues et solitaires.


C'est le visage sans défense de la couverture.


Marilyn veut comprendre, elle écrit pour fixer ses idées. Elle cherche être au plus proche d'elle-même, a peur de décevoir.Elle écrit pour se persuader. Elle écrit comme on regarde ses démons en face. Elle écrit pour exorciser ses peurs tenaces.Elle essaie. Désespérément.

Elle se débat avec sa vie, avec ses contradictions, comme on lutte pour ne pas se laisser couler dans les longues piscines bleues de Beverly Hills.

Mais ses souffrances sont sans pathos, sans mièvrerie, sans complaisance. 

Marilyn a du talent avec les mots. 


" Vie
  je suis tes deux directions
demeurant tant bien que mal suspendue vers le bas
le plus souvent
mais forte comme une toile d'araignée dans le 
vent-j'existe davantage avec le givre froid et scintillant.
mais mes rayons perlés ont les couleurs que j'ai
vues dans un tableau-ah vie ils 
t'ont trompée"

"pierres sur le chemin
de toutes les couleurs
je vous contemple 
comme un horizon-
l'espace/l'air est entre nous et fait signe
et je suis plusieurs étages au-dessus
mes pieds tremblant
tandis que je m'agrippe à vous."


Passée la porte de sa villa elle se résout à être là où on l'attend, elle fait de son mieux pour donner le change mais sans illusions. 


On la savait différente. On sentait bien que derrière le large sourire et les battements de cils se cachait à peine une personnalité riche et complexe. 

le livre offre une double vision de ces écrits.La traduction fait face à l'image de l'original  griffoné sur des papiers à en tête d'hôtels, des pages de carnets, de répertoire. Les photos souvent méconnues la montrent parmi les livres, attentive, joyeuse ou concentrée. 

et tout à coup, on la sent toute proche.

vendredi 19 octobre 2012

Et si on ressemblait à la fille du train?



                                      

Il avait trouvé qu’elle me ressemblait, la fille du train.

Dans le Paris/La Rochelle elle était assise en première, près de lui, pas loin.

Les cheveux noirs, longs. Négligemment emmêlés mais pourtant coiffés, juste assez.Comme en une fin de journée.

Une robe noire sans manche, une ceinture vernie, de jolis escarpins.Et juste un anneau à la main.

Elle avait quelque chose d’italien, la fille du train

Qui est-elle ? Son prénom ? Son âge? 
On ne sait rien.
Mais il trouvait qu’elle me ressemblait, ce jour-là, dans ce train.

Il m’envoyait des photos volées à son sommeil.

Il disait : « elle lit Cosmopolitain. »

« Il y a le sac en papier d’un fabriquant de cannelés, posé près de son sac à main. »

Il disait : « elle boit du coca. » Comme on dirait « tu vois, c’est comme toi. »

C’est vrai.Je bois du coca. Mais je ne lui ressemble pas.
Je ne lui ressemble plus à la fille du train.

Je lui ressemble dans son souvenir, c'est déjà ça. Mais c’est déjà loin.

Car pourtant c'est vrai, j'ai du lui ressembler, avant, à la fille du train.

Avant. 

Quand mes cheveux étaient noirs et longs, un peu emmêlés. Juste assez coiffés. 

Avant. 

Quand j’avais 20 ou 25 ans et que dans les trains, l'air de rien, je lisais Cosmopolitain.